Recevoir son bulletin de paie en période de redressement judiciaire peut vite devenir source d’angoisse : mentions inhabituelles, salaires versés partiellement, ligne “AGS” difficile à comprendre…
Pour beaucoup de salariés, c’est le flou total.
Dans cet article, vous découvrirez clairement ce que la procédure change (ou non) sur votre fiche de paie, comment lire les mentions spécifiques, et quels sont vos droits en cas d’erreur ou de retard.

Ce que dit la loi sur la paie en redressement judiciaire
Lorsqu’une entreprise entre en redressement judiciaire, cela ne suspend en aucun cas l’obligation de verser les salaires.
Le contrat de travail reste valide, tout comme les engagements de l’employeur à l’égard de ses salariés.
Le droit du travail continue donc de s’appliquer, mais un nouvel acteur entre en jeu : le mandataire judiciaire.
Les obligations de l’employeur malgré la procédure
Même en difficulté financière, l’employeur doit continuer à établir les bulletins de paie chaque mois.
Ce document doit être transmis au salarié comme d’habitude, avec toutes les mentions légales : rémunération brute, cotisations, net à payer, etc.
En pratique, la trésorerie ne permet souvent pas de tout payer.
C’est là qu’intervient l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS).
Le rôle du mandataire judiciaire et de l’AGS dans le paiement des salaires
Le mandataire judiciaire est nommé par le tribunal de commerce pour veiller à la régularité des paiements et des dettes sociales. Il transmet à l’AGS la liste des créances salariales en souffrance.
L’AGS prend alors le relais : c’est elle qui garantit le paiement des salaires en cas de défaillance de l’entreprise, mais uniquement sous certaines conditions.
Elle ne prend pas en charge toutes les sommes dues, mais uniquement celles liées aux trois derniers mois de travail avant l’ouverture du redressement judiciaire, dans la limite de 6 fois le plafond mensuel de la Sécurité sociale.
💡 Consultez ce guide sur les conséquences du redressement judiciaire pour les salariés pour mieux comprendre les limites de l’intervention de l’AGS.
Exemple : si un salarié gagnait 4 500 € brut par mois, l’AGS peut couvrir ses salaires dus, ses congés payés non pris, et ses indemnités de rupture éventuelles, dans la limite de 22 464 € brut environ (plafond applicable 2025).
Les plafonds AGS et leur impact sur la fiche de paie
Sur la fiche de paie, une mention spécifique “prise en charge AGS” peut apparaître, souvent accompagnée d’une régularisation des montants dus précédemment.
Il est fréquent de voir apparaître une ligne de régularisation pour les mois impayés, avec la mention “paiement AGS” ou “versement garantie”.
Le salarié doit rester vigilant : si le montant versé par l’AGS est inférieur à ce qui était prévu initialement, il peut contester ou demander l’intervention du conseil de prud’hommes.
📌 En cas de doute sur vos paiements, explorez les recours pour contester un bulletin erroné pendant un redressement judiciaire.
Ce qui change concrètement sur votre fiche de paie
Lorsque votre entreprise est placée en redressement judiciaire, votre bulletin de paie ne disparaît pas — mais il évolue.
De nouvelles mentions apparaissent, certaines lignes peuvent être supprimées ou scindées, et la gestion se fait parfois en double exemplaire.
Les mentions obligatoires spécifiques en période de redressement
Votre bulletin de paie doit indiquer clairement la période couverte, l’établissement concerné et, s’il y a lieu, la prise en charge par l’AGS.
On y trouve souvent des lignes supplémentaires comme :
“Régularisation AGS – Salaire mois précédent”
“Montant garanti par AGS”
“Indemnité compensatrice de congés payés (ICCP) – AGS”
Certaines mentions comptables internes peuvent également changer : le nom de l’établissement peut être suivi de la mention “en redressement judiciaire” ou d’un code établissement spécifique dans les logiciels de paie.
🕵️♂️ Si vous vous demandez comment savoir si une entreprise est en redressement judiciaire, il existe plusieurs moyens de le vérifier en ligne.
Conseil : vérifiez bien que votre ancienneté, vos congés restants et les éléments variables (primes, heures supp, etc.) sont toujours correctement repris même après le placement en RJ.

Exemple commenté d’un bulletin de paie “avant/après” redressement
Prenons le cas de Sophie, employée dans une TPE de restauration.
En mai, son entreprise est placée en redressement.
Elle reçoit deux bulletins :
Bulletin 1 (1er au 14 mai) : classique, émis par l’entreprise “Tartines & Co”.
Bulletin 2 (15 au 31 mai) : émis par “Tartines & Co – en RJ”, avec une ligne “Paiement AGS – 1 050 €”.
En comparant les deux, on note l’apparition de la mention AGS, un code établissement différent, et une ventilation spécifique des congés payés en cours de mois.
📄 Pour plus d’informations sur les congés payés pendant un redressement judiciaire, consultez notre dossier dédié.
Pourquoi vous pouvez recevoir deux bulletins différents dans le même mois
Il est fréquent que la paie soit découpée en deux périodes lorsqu’un redressement intervient en milieu de mois.
Cela permet d’isoler les sommes dues avant l’ouverture de la procédure (souvent payées par l’AGS) et celles dues après (encore à la charge de l’entreprise si elle continue son activité).
Cela peut prêter à confusion, surtout si les deux bulletins arrivent à des moments différents, ou avec un décalage de paiement.
Il ne faut pas hésiter à demander une explication au service paie ou au mandataire judiciaire si un écart est constaté.
Comment gérer la paie pendant le redressement : guide pratique
Pour les employeurs et les gestionnaires de paie, la période de redressement judiciaire exige rigueur, précision… et sang-froid.
Chaque ligne du bulletin doit être adaptée à la nouvelle situation juridique de l’entreprise, tout en respectant les droits du salarié.
Établir un bulletin “établissement en RJ” : méthode et mentions
Lorsqu’un redressement est prononcé, il est indispensable de créer un établissement distinct dans le logiciel de paie.
Ce nouveau bloc “en redressement judiciaire” permettra de :
Séparer les écritures comptables d’avant/après RJ
Générer un bulletin avec des codes spécifiques (souvent exigés par l’AGS)
Appliquer les bonnes dates d’effet pour chaque partie du mois
Sur le bulletin, on retrouvera des éléments nouveaux comme :
“Montant dû au titre de la période RJ”
“Versement AGS”
“Régularisation congés antérieurs – AGS”
🧾 Vous êtes client d’une entreprise en difficulté ? Découvrez vos droits en tant que client d’une entreprise en redressement judiciaire.
Astuce : il est essentiel de faire valider ce nouveau paramétrage avec votre éditeur de logiciel ou un avocat spécialisé pour éviter toute erreur de déclaration.
Prise en compte des congés payés, primes et heures supplémentaires
Ces éléments variables posent souvent problème : faut-il les inclure dans la part AGS ou non ?
En pratique :
Les congés payés non pris avant l’ouverture du RJ peuvent être pris en charge par l’AGS.
Les primes doivent être mentionnées si elles sont dues contractuellement.
Les heures supplémentaires sont prises en compte si elles sont régulières et justifiées (notamment dans les bulletins précédents).
📌 Pour les sociétés concernées, voici ce qu’il faut savoir sur le redressement judiciaire pour une entreprise.
Ces points doivent être clairement indiqués dans la DSN (Déclaration Sociale Nominative), et appuyés si besoin par une note explicative à l’AGS.
Comment intégrer correctement les lignes AGS sur le bulletin
Il ne suffit pas d’indiquer “versement AGS”. Il faut détailler :
Le montant brut pris en charge
Les cotisations associées
L’impact sur le net à payer
En général, une ligne spécifique “paiement AGS – mois concerné” est ajoutée, avec en miroir une retenue équivalente, ce qui permet d’assurer la neutralité fiscale pour l’entreprise et la traçabilité pour le salarié.
Exemple : une ligne “Salaire brut dû avril – AGS : 2 200 €” apparaîtra suivie d’une “Régul. AGS avril : -2 200 €” si déjà versée.
Réponses claires à vos questions fréquentes
Parce qu’un redressement judiciaire soulève des incertitudes très concrètes, voici des réponses claires aux questions les plus fréquentes entendues par nos avocats partenaires et remontées par les salariés concernés.
L’AGS peut-elle tout couvrir ? Quels sont les délais ?
Non, l’AGS ne couvre pas toutes les dettes salariales, mais uniquement celles listées dans l’article L.3253-8 du Code du travail.
Cela inclut notamment :
les salaires des trois derniers mois avant le jugement d'ouverture,
les indemnités de congés payés non pris,
les indemnités de rupture si le contrat est rompu dans les 15 jours suivant la décision.
Concernant les délais : une fois la déclaration transmise par le mandataire judiciaire, l’AGS met en moyenne 15 à 30 jours pour procéder au versement.
Ce délai peut être allongé en cas de dossier incomplet ou contesté.
🤝 Envisagez-vous le rachat d’une entreprise en redressement judiciaire ? Voici les points à vérifier.
Que faire si la paie est incomplète ou absente ?
Si vous ne recevez pas votre bulletin ou si une somme est manquante :
Contactez immédiatement votre service paie (s’il est maintenu) ou le mandataire judiciaire.
Vérifiez la présence de votre nom sur la liste des créances salariales déposée par l’entreprise.
En l'absence de régularisation, saisissez le conseil de prud’hommes. Vous avez droit à la totalité de votre rémunération, que ce soit via l’entreprise ou via l’AGS.
Peut-on contester un bulletin erroné pendant un RJ ?
Oui. La procédure de redressement n’annule pas vos droits.
Si vous constatez une erreur — mauvaise reprise d’ancienneté, absence de primes, oubli d’une indemnité — vous pouvez demander une régularisation écrite.
Il est conseillé de faire cette demande par lettre recommandée avec AR, en l’adressant à la fois à l’entreprise (ou au représentant légal encore actif) et au mandataire judiciaire.
En cas d’inaction prolongée, un avocat en droit social peut engager une procédure d’urgence.

Conclusion
Comprendre ce qui change sur un bulletin de paie en période de redressement judiciaire, ce n’est pas seulement lire des lignes techniques : c’est retrouver de la visibilité dans une situation souvent anxiogène.
Rappelons les points essentiels :
La paie reste obligatoire, même en redressement : AGS et mandataire prennent parfois le relais.
Des mentions spécifiques apparaissent sur votre fiche de paie, parfois sur deux bulletins séparés.
En cas d’erreur ou de retard, des recours simples existent pour faire valoir vos droits.
Si vous êtes salarié d’une entreprise en redressement judiciaire et que vous avez des doutes sur vos bulletins ou vos paiements, n’attendez pas que la situation empire.