La mise en redressement judiciaire d’une entreprise est une décision redoutée, souvent prise dans l’urgence, lorsque les dettes s’accumulent et que la trésorerie ne suffit plus.
Pour de nombreux dirigeants, elle marque une étape critique, mais elle peut aussi représenter une seconde chance pour préserver l’activité, l’emploi et les actifs.
Dans cet article, vous découvrirez les conditions à respecter, les documents à préparer, les étapes clés de la procédure et surtout comment bien vous entourer pour traverser cette phase stratégique.

Le redressement judiciaire : une issue à ne pas redouter
Dans l’esprit de nombreux dirigeants, le redressement judiciaire évoque la faillite, la fin d’un parcours.
En réalité, c’est avant tout une procédure de sauvegarde, mise en place pour donner à une entreprise en difficulté une véritable chance de rebond.
Quand une entreprise peut-elle y avoir recours ?
Le redressement judiciaire s’adresse aux entreprises en état de cessation de paiement, c’est-à-dire incapables de régler leurs dettes avec leur actif disponible.
Cela ne concerne pas uniquement les grandes sociétés : TPE, PME, artisans, commerçants ou professions libérales sont également concernés.
Il ne faut pas attendre d’être au bord du gouffre.
Plus la demande est anticipée, plus les chances de redressement sont élevées.
Quelles alternatives avant d’y entrer ?
Avant de lancer la procédure de redressement judiciaire, il existe des solutions amiables : mandat ad hoc ou conciliation.
Ces dispositifs confidentiels permettent parfois de négocier avec les créanciers, sans passer par le tribunal.
Mais dès lors que la cessation de paiement est avérée, le redressement devient inévitable si l’activité est encore viable.
Pourquoi ce n’est pas forcément une fin
Contrairement à la liquidation ou redressement judiciaire : que choisir, qui vise à fermer l’entreprise, le redressement vise à la sauver.
Il gèle temporairement les dettes, permet un diagnostic, une restructuration, et l’élaboration d’un plan pour poursuivre l’activité.
📘 Selon les statistiques, près d’un tiers des entreprises en redressement réussissent à se relancer quand elles sont bien accompagnées.
Les conditions légales à respecter
Avant d’engager la mise en redressement judiciaire, il est essentiel de comprendre le cadre juridique qui l’encadre.
Un oubli, un délai non respecté ou une pièce manquante peut freiner la procédure… voire l’empêcher totalement.
Le seuil de la cessation de paiement
Le point de départ est juridique : l’entreprise doit être en état de cessation de paiement, défini par l’article L.631-1 du Code de commerce.
Cela signifie que l’entreprise ne peut plus faire face à son passif exigible avec son actif disponible (par exemple : compte bancaire vide, dettes sociales impayées, fournisseurs en attente).
Ce diagnostic peut être posé par l’expert-comptable, mais aussi autoévalué par le dirigeant dès lors qu’il observe des retards chroniques de paiement.
Le délai des 45 jours : une urgence à anticiper
Une fois cet état constaté, vous disposez de 45 jours pour déposer la demande de redressement judiciaire auprès du tribunal compétent.
Ce délai est impératif. Le non-respect peut entraîner des poursuites pour gestion fautive ou retarder inutilement l’accès à la protection du tribunal.
Conseil : n’attendez pas le dernier jour. Préparez votre dossier dès les premiers signes d’alerte.
Qui peut faire la demande et auprès de quel tribunal ?
La demande doit être déposée par le représentant légal de l’entreprise (gérant, président…).
Elle se fait auprès du tribunal de commerce pour les sociétés commerciales ou du tribunal judiciaire pour les professions libérales et structures non commerciales.
Le dossier comprend un formulaire spécifique (CERFA 10530), à compléter et signer, accompagné d’un ensemble de justificatifs que nous verrons dans la section suivante.
Les documents à réunir pour enclencher la procédure
Constituer un dossier à constituer pour un redressement judiciaire solide est crucial.
Il ne s’agit pas seulement de “joindre quelques papiers”, mais de démontrer que votre entreprise peut être redressée et que vous êtes organisé pour y parvenir.
Justificatifs juridiques et administratifs
Commencez par fournir une copie à jour de l’extrait Kbis, les statuts de la société, une pièce d’identité du représentant légal, et le cas échéant, les dernières décisions des associés.
Si vous êtes en société, ajoutez les pouvoirs ou délégations nécessaires.
Ces documents montrent que vous êtes habilité à faire la demande et que l’entreprise est bien constituée.
Pièces comptables et financières
Voici le cœur du dossier. Le tribunal attend une photographie claire de votre situation financière.
Il faudra notamment :
Les trois derniers bilans (si disponibles)
Une situation comptable récente (moins de 30 jours)
Une liste complète des dettes, classées par nature (URSSAF, TVA, fournisseurs, banque…)
Un état des créances : qui vous doit quoi
Un budget prévisionnel ou un plan de trésorerie simplifié
Ces éléments serviront à évaluer si un redressement judiciaire est envisageable ou si une liquidation doit être prononcée.
Données sociales
Si vous avez des salariés, vous devrez fournir :
Une liste nominative du personnel
Le montant des salaires dus
Les cotisations sociales en retard
Les contrats de travail types
Le cas échéant, les déclarations sociales à jour
Ces pièces sont aussi analysées par le mandataire judiciaire et permettent à l’AGS de prendre le relais si nécessaire.
📘 Un dossier bien classé, paginé, avec une note explicative synthétique en première page, permet de gagner un temps précieux… et de montrer votre sérieux.

Étapes clés de la procédure de redressement judiciaire
Une fois le dossier constitué et déposé, la procédure s’enclenche.
Chaque étape est structurée, encadrée par la loi, et implique différents acteurs.
Voici ce à quoi vous devez vous attendre.
Le dépôt du dossier et le formulaire CERFA
La procédure commence par le dépôt du dossier au greffe du tribunal compétent, accompagné du formulaire CERFA n°10530*01, dûment complété.
Ce document centralise les informations clés : identité du dirigeant, situation financière, nombre de salariés, dette totale estimée…
Une fois le dossier enregistré, vous recevrez une convocation à une audience d’ouverture.
Préparez-vous à y défendre votre projet de redressement judiciaire, accompagné si possible d’un avocat ou d’un expert-comptable.
L’audience et l’ouverture de la procédure
Lors de cette audience, le tribunal analyse la situation.
Trois issues sont possibles :
L’entreprise est en cessation de paiement, mais une poursuite est envisageable : le redressement judiciaire est ouvert.
Le redressement est jugé impossible : une liquidation judiciaire est prononcée.
L’entreprise n’est pas en cessation de paiement : la demande est rejetée.
Si le redressement judiciaire est ouvert, un mandataire judiciaire (chargé de représenter les créanciers) et parfois un administrateur judiciaire (chargé de co-gérer l’entreprise) sont désignés.
La période d’observation et les issues possibles
Dès l’ouverture, l’entreprise entre dans une période d’observation pendant un redressement judiciaire, en général de 6 mois (renouvelable jusqu’à 18 mois).
Pendant cette phase :
L’activité continue
Les dettes antérieures sont gelées
Un diagnostic est établi
Un plan de redressement est préparé
Trois issues principales peuvent conclure la période :
Adoption d’un plan de redressement judiciaire sur 10 ans ou moins
Plan de cession en redressement judiciaire totale ou partielle
Liquidation judiciaire, si aucun plan viable n’est proposé
📘 C’est une période décisive, mais aussi une opportunité unique de repartir sur des bases solides, avec l’appui du tribunal.
L’accompagnement professionnel : un levier de survie
Beaucoup de chefs d’entreprise hésitent à se faire accompagner lors d’une mise en redressement judiciaire.
Par souci d’économie, de fierté ou par méconnaissance.
Pourtant, l’intervention d’un avocat ou d’un expert-comptable spécialisé peut transformer la procédure en véritable plan de relance.
Pourquoi un avocat spécialisé change la donne
Un avocat expérimenté ne se contente pas de remplir les formulaires.
Il :
Anticipe les questions du tribunal
Prépare une argumentation cohérente autour de la viabilité de votre entreprise
Sécurise vos responsabilités personnelles (notamment en cas de garanties ou de fautes de gestion)
Aide à la négociation avec les créanciers pour bâtir un plan de continuation dans un redressement judiciaire crédible
Et surtout, il vous redonne de la hauteur, dans un moment où vous êtes souvent seul, sous pression et à court de repères.
Le rôle du mandataire judiciaire et de l’administrateur
Une fois la procédure ouverte, le mandataire judiciaire devient le représentant des créanciers.
Il établit l’état des créances, vérifie leur régularité et suit la procédure, notamment la déclaration de créance dans un redressement judiciaire.
Dans certains cas, un administrateur judiciaire est nommé pour superviser (ou co-diriger) l’entreprise pendant la période d’observation.
Son rôle est d’évaluer la capacité réelle de redressement et de préparer un plan structuré.

Exemples concrets d’entreprises qui ont rebondi
Une PME de 15 salariés dans le secteur textile, au bord de la liquidation, a pu obtenir un plan de redressement de 5 ans grâce à un accompagnement juridique précis.
En structurant ses dettes, en recentrant son activité et en négociant des délais réalistes, elle a maintenu ses emplois et retrouvé un excédent d’exploitation en moins de deux ans.
Un restaurateur parisien, épaulé par un avocat partenaire de Legal Rescue, a converti son redressement judiciaire en cession partielle, en sauvant 80 % de ses effectifs et en repartant sur une activité plus adaptée à son nouveau contexte économique.
📘 Dans ces deux cas, la clé du rebond a été la stratégie juridique autant que la gestion financière.
La mise en redressement judiciaire d’une entreprise peut être perçue comme une épreuve, mais elle constitue aussi une chance : celle de restructurer, de protéger les emplois et de repartir sur des bases solides.
En respectant les conditions légales, en réunissant les bons documents et en comprenant les étapes de la procédure, vous transformez un moment de crise en opportunité de rebond.
Mais surtout, ne restez pas seul. La clé, c’est l’anticipation, la clarté… et l’accompagnement adapté.
Pour traverser cette phase stratégique et protéger au mieux votre activité, il est essentiel de constituer un dossier solide et de se faire guider à chaque étape.