Assignation en redressement judiciaire : que faire quand votre entreprise ou l’un de vos débiteurs est en cessation de paiements ?
Face à l’urgence de la situation, cette procédure judiciaire peut devenir un levier stratégique… à condition d’être bien utilisée.
Dans cet article, nous vous expliquons en détail qui peut l’utiliser, dans quelles conditions, comment la rédiger sans erreur et surtout quels sont vos droits après l’assignation.

Qu’est-ce qu’une assignation en redressement judiciaire ?
L’assignation en redressement judiciaire est un acte de procédure par lequel un créancier demande au tribunal d’ouvrir une procédure collective à l’encontre d’une entreprise débitrice qu’il estime en cessation de paiements.
Elle peut aussi être engagée par un associé, un co-contractant ou toute personne ayant un intérêt légitime à démontrer l’incapacité d’une société à honorer ses dettes.
L’objectif de cette démarche n’est pas forcément de « couler » l’entreprise, mais au contraire de déclencher une procédure qui pourrait permettre une reprise, un plan de continuation dans un redressement judiciaire ou, dans certains cas, une cessation ordonnée de l’activité.
C’est donc autant un outil de pression qu’un signal d’alerte juridique.
Qui peut engager cette procédure et dans quel but ?
Un créancier impayé souhaitant faire reconnaître l’état de cessation de paiements pour geler les poursuites et protéger sa créance.
Un associé minoritaire voulant éviter une gestion opaque mettant l’entreprise en péril.
Parfois, un ancien partenaire ou un concurrent concerné par des contrats ou clauses de solidarité.
Mais attention : cette assignation doit reposer sur des fondements juridiques solides, au risque d’être déclarée irrecevable ou abusive.
Dans ce cadre, certains optent pour une procédure de redressement judiciaire lorsqu’il existe une réelle possibilité de sauver l’entreprise.
Les conditions de recevabilité à respecter absolument
Une assignation en redressement judiciaire ne s’improvise pas.
Pour qu’elle soit examinée par le tribunal, elle doit remplir des conditions strictes, définies par le Code de commerce.
Le non-respect de l’un de ces critères peut entraîner une nullité de procédure, avec des conséquences financières et stratégiques lourdes pour le créancier.
Créance certaine, liquide et exigible : comment le prouver ?
Première condition incontournable : le créancier doit justifier d’une créance certaine (non contestée sérieusement), liquide (dont le montant est déterminé) et exigible (immédiatement payable).
Cela peut inclure :
Une facture impayée avec bon de livraison signé
Un jugement exécutoire non respecté
Un contrat non honoré dont les clauses sont claires
Une simple relance ou un devis signé ne suffisent pas.
Il faut des preuves tangibles et idéalement antérieures de plusieurs semaines à la date de l’assignation.
Conseil : un dossier à constituer pour un redressement judiciaire bien documenté augmente considérablement vos chances de succès.
La cessation des paiements : élément clé du dossier
Il ne suffit pas d’avoir une créance.
Le tribunal exigera aussi la preuve que l’entreprise ne peut pas faire face à cette dette avec son actif disponible.
Cela doit refléter une situation structurelle et non un simple retard de paiement.
Des éléments comme un rejet de prélèvement, des retards URSSAF ou des certificats bancaires peuvent aider à prouver cet état.
📘 Cette exigence est posée par l’article L631-1 du Code de commerce. L’assignation abusive ou mal fondée peut être rejetée et exposer son auteur à des frais.
Mentions et formalités : comment rédiger une assignation valable ?
Une assignation en redressement judiciaire ne se limite pas à exposer une dette.
Elle doit respecter un formalisme strict, sans quoi elle sera déclarée nulle.
Mentions obligatoires à faire figurer dans l’acte
L’acte d’assignation doit obligatoirement comporter :
Les coordonnées complètes du créancier et du débiteur
Le montant de la créance, son origine et les justificatifs
La date de cessation des paiements estimée
La juridiction compétente (souvent le tribunal de commerce)
La demande d’ouverture d’un redressement judiciaire
La preuve de la signification de l’assignation au débiteur
L’omission de l’une de ces mentions peut entraîner l’irrecevabilité de la procédure.
Dans certains cas, cette étape peut mener à la demande de redressement judiciaire auprès du tribunal, qui suit un protocole similaire.
Délais de signification et dépôt au greffe : ne pas se tromper
Après la rédaction par acte d’huissier, l’assignation doit être :
Signifiée au débiteur au moins 15 jours avant l’audience
Déposée au greffe dans un délai de 8 jours suivant cette signification
Ces délais sont impératifs, tout comme lors de la mise en redressement judiciaire d’une entreprise, où toute erreur de calendrier peut anéantir la procédure.
Pièces à joindre : ce que le tribunal attend
Pour prouver la créance et la cessation des paiements, il est conseillé de joindre :
Les factures, relevés, jugements, mises en demeure
Les extraits Kbis récents
Les correspondances prouvant les tentatives de règlement amiable
Tout élément attestant de la détresse financière du débiteur

Ce qui se passe après l’assignation
Convocation devant le tribunal de commerce
Le tribunal convoque les parties à une audience de vérification.
Si le débiteur ne conteste pas, le tribunal peut prononcer l’ouverture immédiate de la procédure, ce qui enclenche la période d’observation pendant un redressement judiciaire.
Jugement, ouverture de la procédure et période d’observation
En cas de recevabilité, le tribunal rend un jugement d’ouverture et désigne :
Un administrateur judiciaire
Un mandataire judiciaire
Une période d’observation de 6 mois renouvelable une fois
Durant cette période, il est possible de négocier un plan de cession en redressement judiciaire ou d’envisager un plan de redressement judiciaire sur 10 ans si la situation le justifie.
Stratégies d’usage : assigner oui, mais avec méthode
Quand faut-il assigner un débiteur en redressement judiciaire ?
L’assignation est pertinente si :
Le débiteur ne répond plus
Vos relances sont restées sans effet
Vous craignez que d’autres créanciers passent avant vous
Dans certains cas, la procédure permet d’éviter une liquidation ou redressement judiciaire : que choisir en trouvant une issue favorable.
Pression tactique ou action à double tranchant ?
Une assignation implique :
Une procédure publique
Des frais irréversibles
Un risque de nullité si le dossier est incomplet
Éviter les erreurs fatales : exemples concrets de nullité
Oublier de prouver la cessation de paiements
Signifier hors délai
Présenter une créance contestée
Une fin du plan de redressement judiciaire mal anticipée peut aussi remettre en cause vos droits en tant que créancier.

Quelques décisions de justice récentes à connaître
Les juges rappellent que la preuve de la cessation des paiements est incontournable et que l’assignation mal fondée peut être sanctionnée.
Une déclaration de créance dans un redressement judiciaire bien préparée reste la meilleure garantie de défense des intérêts du créancier.
L’assignation en redressement judiciaire est un outil juridique puissant, mais exigeant.
Elle repose sur deux piliers : une créance incontestable et une preuve rigoureuse de cessation de paiements.
Si elle est bien préparée, elle peut ouvrir la voie à une procédure protectrice ou peser dans une négociation.
En revanche, mal construite, elle peut être rejetée ou se retourner contre vous.
C’est pourquoi il est essentiel d’être conseillé, dès la première intention d’agir.
Assignation en redressement judiciaire ne doit jamais rimer avec précipitation.