Comptabilisation de la cession de fonds de commerce non inscrit à l’actif : un casse-tête fréquent pour les dirigeants et les experts-comptables.
Lorsqu’un fonds n’apparaît pas au bilan, comment enregistrer sa vente sans commettre d’erreur fiscale ou comptable ?
Dans cet article, vous découvrirez pourquoi certains fonds échappent à l’actif, les risques à éviter, les écritures à utiliser et les précautions à prendre pour sécuriser votre opération. 📘

Comprendre pourquoi un fonds peut ne pas figurer à l’actif
Un fonds de commerce vendu mais jamais inscrit à l’actif : ce scénario, bien plus courant qu’on ne le pense, soulève immédiatement des questions comptables et fiscales.
Pourtant, dans certains cas, cette absence est parfaitement légale.
💡 Pour mieux cerner les mécanismes de la cession de fonds de commerce, il est essentiel de comprendre ce qu’implique l’absence d’inscription au bilan et les conséquences fiscales qui en découlent.
Création interne ou omission : des situations fréquentes
Le cas le plus typique est celui d’un commerçant ou artisan qui a développé son activité sans racheter de fonds préexistant. La clientèle, la notoriété locale, les contrats ou le matériel ont été créés au fil du temps.
Ce fonds de commerce, bien qu’existant économiquement, n’a jamais été enregistré comme immobilisation incorporelle car il n’a pas été acquis.
Dans d’autres cas, il s’agit d’une omission lors de la constitution du bilan initial, ou d’un choix stratégique pour éviter des écritures complexes.
Cela peut concerner des entreprises anciennes n’ayant pas valorisé leur fonds ou ayant appliqué une politique prudente en matière d’activation.
🛠 Exemple réel : Un boulanger de quartier a construit sa clientèle pendant 12 ans sans jamais inscrire son fonds au bilan. Lors de la vente de son affaire, il découvre qu’il doit pourtant enregistrer une cession comptable du fonds de commerce avec litiges en cours, ce qui requiert des précautions particulières.
Ce que dit la réglementation sur l’inscription au bilan
Le Plan Comptable Général est clair : un élément non acquis à titre onéreux ne peut pas être inscrit à l’actif, sauf s’il remplit certains critères objectifs d’évaluation.
Le fonds de commerce créé par l’entreprise elle-même ne peut donc être comptabilisé qu’en cas de rachat, de fusion ou d’évaluation externe validée.
Il ne s’agit pas d’un manquement, mais d’une limite légale à la comptabilisation d’un actif incorporel non mesurable de façon fiable.
Les risques de céder un fonds non inscrit
Vendre un fonds de commerce non inscrit à l’actif ne signifie pas qu’il échappe aux règles fiscales.
Au contraire, cela soulève des enjeux majeurs en matière de plus-value, de transparence et de régularité comptable.
Conséquences fiscales et redressement possible
Le principal écueil réside dans le traitement fiscal de la cession.
L’administration fiscale considère que tout bien générant une valeur économique doit être déclaré, qu’il soit inscrit au bilan ou non.
En l’absence d’actif comptabilisé, la totalité du prix de vente est alors assimilée à une plus-value brute.
Aucun amortissement ni valeur nette comptable ne peut venir diminuer cette base, ce qui augmente l’imposition.
📌 Pour limiter les risques, il est fortement recommandé d’anticiper les formalités de cession de fonds de commerce et de produire un dossier complet.
Dans certains cas, si la cession semble incohérente avec les bilans antérieurs (absence d’actif, mais vente importante), cela peut déclencher un contrôle fiscal.
Le dirigeant devra alors justifier :
De l’existence réelle du fonds
Des éléments cédés (clientèle, enseigne, droit au bail)
De la cohérence du prix
💬 Conseil d’expert : Pour éviter les mauvaises surprises, documentez précisément l’origine et l’évolution du fonds, même s’il n’a jamais été inscrit. Un rapport simple, des justificatifs de revenus ou des bilans d’activité peuvent suffire à rassurer l’administration.
L’impact sur la plus-value et le résultat imposable
Sans inscription à l’actif, aucune valeur d'origine ne peut être déduite.
Cela signifie que même si le fonds s’est constitué sans frais directs, le montant perçu lors de la cession est intégralement fiscalisé.
Cette plus-value entre généralement dans les produits exceptionnels et alourdit fortement le résultat imposable de l’exercice.
Pour certaines structures à l’IS, cela peut créer un choc de trésorerie non anticipé.
🧾 À noter : Il existe des dispositifs d’exonération partielle ou totale (ex. : article 238 quindecies du CGI), mais ils doivent être anticipés et s’appliquent sous conditions strictes.
Les écritures comptables à passer en cas de cession
Même si le fonds de commerce n’est pas inscrit à l’actif, sa cession doit donner lieu à des écritures comptables précises, notamment pour justifier le flux financier et éviter toute ambiguïté fiscale.
Quel compte utiliser ? Le rôle du compte 778
Dans ce cas particulier, la comptabilisation repose principalement sur le compte 778 "Produits exceptionnels divers".
Ce compte permet d’enregistrer le produit de cession d’un actif qui n'était pas immobilisé dans la comptabilité.
Voici le schéma de base :
Débit du compte 512 – Banque (ou compte 467 si le paiement est différé)
Crédit du compte 778 – Produits exceptionnels
📌 Attention : Ne pas tenter de "reconstruire" une valeur historique artificielle, cela pourrait être considéré comme une manipulation comptable.
Dans le cas d’une cession avec vente du stock et TVA, il conviendra également de ventiler les montants et justifier l’origine du stock dans les écritures annexes.
Exemples pratiques d’écritures selon le mode de paiement
Paiement comptant
Débit : 512 Banque → Montant de la vente
Crédit : 778 Produits exceptionnels → Même montant
Paiement échelonné avec acompte
Débit : 512 Banque → Acompte reçu
Débit : 467 Autres comptes débiteurs → Solde à recevoir
Crédit : 778 Produits exceptionnels → Total de la vente
🎯 Conseil pratique : Joignez à votre comptabilité un écrit explicatif (note interne ou annexe) précisant pourquoi le fonds ne figurait pas à l’actif et justifiant le choix du compte 778.

Bonnes pratiques pour sécuriser la cession
La vente d’un fonds non inscrit à l’actif exige plus que des écritures propres.
Pour éviter tout risque ultérieur — fiscal, comptable ou juridique —, certaines précautions doivent être systématiquement mises en place.
Justifier l’absence d’inscription : comment bien documenter
Le premier réflexe à adopter est de prouver que l’absence d’inscription au bilan était fondée.
Cela permet de désamorcer toute suspicion de dissimulation ou d'irrégularité.
En cas de cession avec reprise des salariés et congés payés, la documentation RH devra aussi être jointe au dossier de cession.
Voici quelques justificatifs à préparer :
Historique de l’entreprise montrant que le fonds a été créé progressivement, sans rachat
Bilan des années précédentes attestant de l’absence de fonds au poste 207
Attestation de l’expert-comptable précisant le caractère interne du fonds
✍️ Astuce d’expert : Pensez à rédiger une note explicative insérée dans les annexes du bilan, même si vous êtes en micro-entreprise ou en comptabilité simplifiée. Cela rassure l’administration et crédibilise vos choix.
Rapport explicatif, annexes et conservation des preuves
Au-delà de la documentation comptable, il est utile de rédiger un mini-rapport décrivant les éléments vendus :
nom commercial, emplacement, clientèle, contrats éventuels.
Lors de l’enregistrement de la cession de fonds de commerce, ces éléments serviront de base à l’acte.
Ce rapport, même informel, sert à :
Évaluer la cohérence du prix
Justifier que le fonds est bien réel, bien qu’invisible comptablement
Préciser la nature des éléments cédés : ce n’est pas juste un "montant global", mais une transmission économique identifiable
📘 Exemple réel : Un restaurateur a inclus dans son dossier de cession un tableau récapitulatif de ses clients récurrents, son chiffre d’affaires sur 3 ans et des photos de son local. Il n’avait jamais inscrit son fonds au bilan, mais son dossier a facilité l’enregistrement comptable et a sécurisé sa fiscalité.
Cas concrets : ce que font les experts
Illustrer des situations réelles permet de mieux comprendre comment sécuriser une cession lorsque le fonds n’est pas inscrit à l’actif.
Ces exemples concrets montrent comment adapter les bonnes pratiques à différents profils d’entreprise.
Exemple 1 : Artisan qui vend sans bilan valorisé
Marc, artisan coiffeur à Lyon, a construit sa clientèle pendant 15 ans sans jamais acquérir de fonds existant.
Son fonds n’apparaissait donc pas à l’actif. Lors de la revente de son salon, il encaisse 45 000 €. Son expert-comptable :
Enregistre le produit dans le compte 778
Joigne un rapport d’activité sur 3 ans, expliquant la valorisation
Rédige une attestation sur l’origine interne du fonds
Ce type de situation peut aussi survenir lors d’une cession de fonds de commerce avant une liquidation judiciaire, et nécessite une attention accrue.
Exemple 2 : PME familiale avec fonds non inscrit
Une société familiale de négoce, transmise de génération en génération, n’a jamais inscrit de fonds au bilan.
En vue de la vente, le gérant mandaté fait appel à un avocat fiscaliste.
Ce dernier recommande de :
Évaluer les éléments clés du fonds (clientèle, stock, contrats en cours)
Justifier la vente par une estimation tierce (expert en transmission)
Produire un dossier complet joint à l’acte de cession
📎 Une assemblée générale extraordinaire pour une cession de fonds de commerce peut être requise dans les sociétés comme les SARL.
Grâce à cette préparation, la comptabilisation s’est faite dans les règles, et la plus-value a pu être partiellement exonérée au titre de l’article 238 quindecies du CGI.
🧩 Ce qu’on retient : La qualité du dossier justificatif est souvent plus importante que la présence d’un actif au bilan. Ce qui compte, c’est la cohérence globale du traitement comptable, fiscal et documentaire.
Astuces pour éviter les erreurs fiscales
Vendre un fonds de commerce non inscrit à l’actif peut rapidement devenir un casse-tête fiscal si l’on ne prend pas quelques précautions en amont.
Voici les gestes simples à adopter pour éviter un redressement ou une erreur de traitement.
Les vérifications à faire avant la cession
Avant même de signer une promesse de vente, il est essentiel de procéder à quelques vérifications de base :
Revoir les derniers bilans : s’assurer que le fonds n’apparaît bien nulle part (compte 207 ou annexe)
Lister les éléments cédés : identifier clairement ce qui est transmis (droit au bail, enseigne, clientèle, etc.)
Comparer avec les usages du secteur : est-ce que le prix demandé semble cohérent par rapport à l’activité ?
Si des salariés sont concernés, n’oubliez pas l’information des salariés lors d’une cession de fonds de commerce, obligatoire dans certains cas.

Anticiper un contrôle de l’administration
Un dossier bien préparé est le meilleur rempart contre un redressement.
Pour cela, voici quelques réflexes à adopter :
Conserver toutes les preuves de la valeur créée : chiffres d’affaires, fichiers clients, contrats signés, taux de rétention, etc.
Rédiger une note explicative à inclure dans l’annexe du bilan ou dans un dossier annexe
Faire valider l’opération par un avocat fiscaliste ou un expert-comptable, surtout en cas de montant élevé ou de contexte sensible (cession familiale, départ à la retraite…)
🎯 Rappel utile : Si la cession génère une forte plus-value, pensez à examiner les dispositifs d’exonération, comme l’article 238 quindecies du CGI, souvent applicable pour les TPE-PME en fin d’activité ou en départ en retraite.
La vente d’un fonds de commerce non inscrit à l’actif soulève plusieurs défis : comprendre pourquoi il n’apparaît pas au bilan, maîtriser les écritures à passer, et sécuriser l’ensemble sur le plan fiscal.
Ce qu’il faut retenir : tout repose sur la clarté du dossier et la cohérence comptable.
Si vous êtes dirigeant d’une entreprise ou professionnel du chiffre, ne laissez pas cette opération vous échapper.
Il est essentiel de bien documenter la transaction et de vérifier que l’administration ne pourra contester ni le montant, ni l’existence du fonds.