L'information des salariés lors d’une cession de fonds de commerce n’est pas une option.
Elle est encadrée par la loi et peut coûter cher si elle est mal réalisée.
Trop de dirigeants négligent cette étape, pensant à tort qu’elle n’a rien d’obligatoire.
Dans cet article, on vous explique à qui cette obligation s’applique, comment la respecter et quelles sont les bonnes pratiques pour éviter tout risque de blocage ou de sanction.

Pourquoi cette obligation existe ?
Depuis 2014, la loi Hamon impose une obligation d’information des salariés dans le cadre de la cession de fonds de commerce.
L’objectif est clair : favoriser la reprise d’entreprise par ceux qui la connaissent le mieux — les salariés eux-mêmes.
Ce dispositif ne crée pas un droit de préemption, c’est-à-dire que les salariés ne peuvent pas bloquer la vente.
En revanche, il leur donne une opportunité légale de formuler une offre de rachat, s’ils le souhaitent.
Cette mesure repose sur une logique simple mais forte : dans une petite structure, les salariés sont souvent les plus aptes à continuer l’activité.
Encore faut-il qu’ils soient informés à temps pour s’organiser, faire une proposition, trouver un financement.
🎯 Le principe : permettre une transmission en interne, dans un esprit de continuité, de confiance et de transparence.
Qui est concerné par cette obligation ?
La loi ne s’applique pas à toutes les entreprises. Seules celles comptant moins de 250 salariés sont concernées par l’obligation d’information lors d’une cession de fonds de commerce.
Autrement dit, si votre entreprise est une TPE, une PME ou même une start-up sans effectif important, vous êtes dans le périmètre légal.
Quelles sont les exceptions prévues ?
La loi prévoit plusieurs situations dans lesquelles l’obligation ne s’applique pas :
Cession à un membre de la famille (conjoint, ascendant, descendant)
Procédures collectives en cours : conciliation, sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire
Cession entre associés ou à une entreprise du même groupe
Dans ces cas précis, le formalisme d’information peut être évité, car l’objectif de transmission “ouverte” n’a pas lieu d’être.
📌 Important : même si vous êtes dans une exception, il est conseillé d’informer les salariés à titre moral pour éviter tout climat de défiance ou de tension.
Quand et comment informer les salariés ?
La loi est claire : l’information des salariés doit être faite au plus tard deux mois avant la signature de l’acte de cession.
Ce délai leur laisse le temps, s’ils le souhaitent, de préparer une offre de reprise.
Si tous les salariés renoncent formellement, la vente peut se faire avant les deux mois.
Ce formalisme n’est pas symbolique : le non-respect de ce délai expose le cédant à une sanction financière pouvant aller jusqu’à 2 % du prix de vente.
Ce calendrier rigoureux est à intégrer dès les formalités de cession de fonds de commerce afin de ne pas compromettre la validité de l’opération.
Que dit la loi exactement ?
L’article L. 23-10-1 du Code de commerce précise que l’information doit permettre aux salariés de présenter une offre, et qu’elle doit être faite par tout moyen conférant une date certaine.
Quels moyens sont valides ?
Pour prouver que vous avez bien respecté cette obligation, plusieurs options sont acceptées :
Réunion d’information avec feuille d’émargement
Lettre remise en main propre avec récépissé signé
Lettre recommandée avec accusé de réception
Courrier électronique avec accusé
Acte d’un commissaire de justice (ancien huissier)
Affichage avec signature d’un registre dédié
🎯 Conseil : optez pour un moyen traçable. La preuve de l’envoi et de la réception protège juridiquement contre toute contestation.

Ce que doit contenir l'information aux salariés
Informer les salariés ne se limite pas à leur dire que “l’entreprise va être vendue”.
Le contenu de l’information est encadré, car il doit leur permettre de se positionner en connaissance de cause.
Les éléments obligatoires à communiquer
L’intention du dirigeant de vendre le fonds de commerce
La possibilité, pour les salariés, de présenter une offre de reprise
Le délai laissé pour faire une proposition, et la date prévue pour la conclusion de la cession
Il ne s’agit pas de fournir les détails confidentiels du contrat de vente, mais de donner une information claire, loyale et exploitable. Un simple e-mail vague ou oral informel est insuffisant.
Pas de droit de préemption… mais un droit à l'information
Contrairement à certaines idées reçues, les salariés n’ont aucun droit de priorité sur les autres acheteurs.
Ils peuvent proposer une offre, mais le cédant reste libre de l’accepter ou non.
🧠 Bon à savoir : il est recommandé de fournir un modèle de réponse aux salariés s’ils souhaitent renoncer à leur droit, pour formaliser leur position.
Dans certains cas, notamment si la vente intervient juste avant une liquidation judiciaire, la procédure doit être d’autant plus rigoureuse.
Quelles sont les sanctions en cas de manquement ?
Ne pas informer les salariés comme prévu par la loi n’est pas une simple négligence administrative : c’est une faute susceptible de coûter cher au cédant.
Une amende civile pouvant aller jusqu’à 2 % du prix de vente
C’est la principale sanction prévue par la loi.
Cette amende peut être demandée par le ministère public ou par un salarié, devant le tribunal judiciaire.
Le montant est proportionné… mais le seuil de 2 % du prix de cession peut vite représenter plusieurs milliers d’euros.
Exemple : pour un fonds vendu 200 000 €, l’amende peut s’élever à 4 000 €.
Risque d’annulation ou de litige avec un salarié
Même si la vente reste juridiquement valable, un salarié mal informé peut contester la procédure et engager la responsabilité du cédant.
Cela peut :
Geler le paiement chez le notaire
Retarder la transmission du fonds
Générer des frais juridiques inattendus
Certains litiges peuvent aussi apparaître si la cession porte sur un fonds en litige, rendant l'information encore plus cruciale.
Un climat social dégradé
Au-delà des aspects juridiques, ne pas informer ses salariés fragilise la relation de confiance.
Une équipe informée trop tard risque de se désolidariser du repreneur, nuisant à la reprise de l’activité.
📌 À retenir : l’information est autant une obligation légale qu’un outil de transition réussie. Elle sécurise juridiquement et facilite humainement la vente.
Cas concrets : quand l’information a évité un litige
Les obligations légales peuvent paraître abstraites, jusqu’à ce qu’elles se concrétisent dans des situations bien réelles.
Voici deux histoires vécues qui illustrent à quel point le respect ou l’oubli de l'information des salariés peut changer le cours d’une cession.
Une boulangerie à Bordeaux : cession réussie grâce à une bonne anticipation
Julien, artisan-boulanger depuis 20 ans, décide de céder sa boulangerie pour partir à la retraite.
Il prend soin d’informer ses quatre salariés par courrier recommandé avec accusé de réception, deux mois avant la signature de l’acte.
Aucun ne souhaite reprendre, mais tous saluent la démarche.
Le climat est serein, le repreneur est accueilli dans de bonnes conditions, et la cession se fait sans blocage ni délai supplémentaire.
🟢 Clé du succès : une communication claire, anticipée, documentée. Loin d’être une contrainte, cette démarche a rassuré toutes les parties.
Une librairie à Paris : cession bloquée à cause d’un oubli
À l’inverse, dans un quartier du 11e arrondissement, une libraire vend son fonds de commerce à un jeune entrepreneur.
Persuadée d’avoir tout bien fait, elle se contente d’une information orale informelle à ses deux salariées, sans preuve écrite.
Mais après la signature, l’une des salariées conteste : elle affirme ne pas avoir été informée à temps.
Faute de preuve, le tribunal estime que la procédure est irrégulière.
Résultat : le versement est gelé, les délais s’allongent, et le repreneur est forcé de suspendre son ouverture.
🔴 Conséquence directe : perte de chiffre d’affaires, conflit juridique, tension sociale durable.
📌 Moralité : mieux vaut un formalisme rigoureux qu’un conflit évitable. L’information n’est pas qu’une formalité, c’est une sécurité juridique.
Bonnes pratiques pour informer sans stress
Respecter l’obligation d’information ne signifie pas surcharger votre emploi du temps ni multiplier les démarches complexes.
Quelques bonnes pratiques suffisent à sécuriser juridiquement votre cession et à préserver le climat social.
Utilisez un modèle écrit, clair et traçable
Préparez un document standardisé mentionnant l’intention de vendre, la possibilité de présenter une offre, ainsi que les délais.
Vous pouvez le remettre :
Par courrier recommandé avec AR
En main propre contre récépissé
Par e-mail avec confirmation de lecture
🧠 Astuce : conservez une copie signée ou horodatée dans votre dossier de cession de fonds de commerce à enregistrer pour prouver la date certaine.
Privilégiez la transparence sans entrer dans les détails confidentiels
Vous n’avez pas à dévoiler l’identité de l’acheteur ni les conditions du contrat.
En revanche, soyez clair sur le calendrier et les droits des salariés, pour éviter les malentendus.
Une réunion collective peut être un bon moyen de montrer votre respect de la loi, tout en rassurant vos équipes sur la continuité du projet.
Faites-vous accompagner par un avocat
Un avocat spécialisé saura vous aider à :
Rédiger les bons documents
Respecter les délais sans stress
Gérer les cas particuliers (renonciation des salariés, exceptions légales)
🎯 Pourquoi c’est crucial : en cas de litige, c’est la traçabilité et le sérieux de la procédure qui feront la différence devant un juge.

Conclusion
Informer ses salariés lors d’une cession de fonds de commerce n’est pas une formalité secondaire.
C’est une obligation légale claire, assortie de délais stricts et de conséquences potentiellement coûteuses en cas d’oubli.
Mieux vaut anticiper, formaliser proprement et documenter chaque étape pour éviter les litiges.
Cette obligation, bien gérée, peut même renforcer la confiance des équipes et faciliter la reprise.
En choisissant les bons outils, les bons conseils et un accompagnement adapté, vous sécurisez votre opération et apaisez le climat social.