Le dépôt de bilan pour une pharmacie n’est jamais une décision anodine.
Lorsqu’une officine fait face à des tensions de trésorerie, des retards fournisseurs ou une chute brutale de chiffre d’affaires, l’épuisement guette aussi bien le compte bancaire que le moral du titulaire.
Cet article vous guide à travers chaque étape de cette procédure délicate, en vous présentant les signes d’alerte, les conséquences à anticiper, et surtout les solutions concrètes pour éviter une fermeture brutale.
Vous découvrirez également pourquoi il est crucial de ne pas rester seul face à cette situation, et comment l’accompagnement juridique peut changer la donne.

Comprendre ce qu’est un dépôt de bilan pour une pharmacie
Lorsque les dettes d’une pharmacie deviennent supérieures à ses actifs disponibles, on entre dans ce qu’on appelle une situation de cessation de paiement.
C’est à ce moment-là que le dépôt de bilan devient non seulement envisageable, mais souvent obligatoire dans un délai de 45 jours.
Quand parle-t-on de dépôt de bilan ?
Le dépôt de bilan, officiellement appelé déclaration de cessation des paiements, est un acte juridique qui marque l’incapacité pour une entreprise – ici une officine – de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Cela signifie concrètement qu’elle ne peut plus régler ses dettes courantes (loyers, salaires, fournisseurs).
Cette déclaration doit être faite auprès du tribunal de commerce dont dépend la pharmacie.
Elle ouvre alors la voie à l’ouverture d’une procédure collective : redressement judiciaire, si une reprise est possible, ou liquidation judiciaire, si la continuité d’activité est compromise.
💡 À noter : selon l’article L.631-1 du Code de commerce, toute entreprise en situation de dépôt de bilan depuis plus de 45 jours et n’ayant pas demandé une procédure de sauvegarde doit déposer le bilan.
Les spécificités du secteur pharmaceutique face à la cessation de paiement
Une pharmacie ne fonctionne pas comme un commerce traditionnel.
Elle est soumise à une réglementation stricte, notamment dans la fixation des prix, la gestion des stocks et la traçabilité des produits.
Cela rend sa gestion financière particulièrement sensible.
De plus, la licence d’exploitation, attachée à la personne du pharmacien titulaire, peut être en jeu.
En cas de liquidation, cette licence ne disparaît pas mais son transfert est encadré.
Le passif fiscal, les éventuelles dettes sociales (URSSAF, retraite) ou les créances fournisseurs sont autant d’éléments à surveiller de près.
📘 Les pharmaciens titulaires doivent aussi composer avec des obligations spécifiques du Code de la santé publique, ce qui rend la cession ou la reprise plus complexe qu’une simple entreprise commerciale.
Signes avant-coureurs d’une situation critique en officine
Avant même d’en arriver au dépôt de bilan, certains indicateurs financiers ou opérationnels doivent alerter le titulaire.
Une officine ne bascule pas du jour au lendemain dans la cessation de paiement : les signaux faibles sont souvent là, encore faut-il savoir les détecter à temps.
Baisse de trésorerie, stocks en tension, retards fournisseurs : les signaux d’alerte
Une trésorerie qui se détériore est souvent le premier symptôme.
Quand la marge brute ne couvre plus les charges fixes (loyer, salaires, remboursement de crédit), la survie est déjà en jeu.
Autres signes révélateurs :
Allongement des délais de paiement aux fournisseurs
Retards dans les déclarations de TVA ou URSSAF
Augmentation du recours aux découverts bancaires
Stocks qui tournent mal ou commandes non honorées
Difficultés à payer les salaires à date
Ces signes ne sont pas à prendre à la légère. Ils indiquent que la pharmacie n’est plus en capacité d’absorber ses obligations courantes, ce qui est la définition même de la cessation de paiement.
🧠 Un suivi régulier du compte d’exploitation, un tableau de trésorerie prévisionnelle, ou encore une alerte de votre logiciel comptable peuvent permettre d’anticiper ces tensions.
Exemple : une pharmacie de centre-ville confrontée à la chute des marges
Prenons l’exemple de Marc, pharmacien à Lyon, qui exploite une officine en centre-ville.
Suite à la baisse de fréquentation post-Covid et à une explosion des charges énergétiques, sa marge brute a chuté de 22 % en un an.
Il a d’abord repoussé des paiements fournisseurs, puis gelé ses salaires pendant un mois, avant d’utiliser son découvert autorisé.
Quand la banque a commencé à refuser les prélèvements URSSAF, il était déjà en situation de cessation de paiement sans le savoir.
Grâce à l’intervention rapide d’un avocat et d’un expert-comptable, il a pu déposer une demande de redressement judiciaire dans le cadre d’un dépôt de bilan, gelant temporairement ses dettes et conservant son fonds de commerce.

Conséquences juridiques et professionnelles du dépôt de bilan
Déposer le bilan ne signifie pas automatiquement la fermeture de l’officine.
Toutefois, les impacts juridiques et professionnels sont majeurs, notamment pour le pharmacien titulaire, qui est à la fois exploitant, garant et souvent caution personnelle.
Liquidation judiciaire ou redressement : que risque concrètement un pharmacien ?
Une fois la déclaration effectuée, le tribunal ouvre soit :
Une procédure de redressement judiciaire, si l’activité peut être réorganisée et rendue viable à court terme
Une liquidation judiciaire, si aucun plan de continuation n’est envisageable
Dans les deux cas, la gestion de la pharmacie est placée sous la surveillance d’un mandataire ou liquidateur judiciaire.
Cela signifie que le pharmacien perd en partie la main sur la gestion quotidienne de son officine.
💡 La procédure de redressement vise à préserver les emplois et maintenir l’activité. Elle est souvent possible si la pharmacie dispose d’un fonds solide, d’une clientèle fidèle ou d’un projet de reprise crédible.
En revanche, une liquidation judiciaire entraîne l’arrêt immédiat de l’activité, la vente du stock et du matériel, et éventuellement la cession du fonds de commerce.
Impact sur la licence, le personnel, les dettes personnelles
La licence d’exploitation (autorisée par l’ARS) n’est pas supprimée lors du dépôt de bilan, mais sa cession ou son transfert est strictement encadré.
En cas de liquidation, elle peut être reprise dans le cadre d’une vente du fonds, mais le pharmacien ne peut pas toujours la réutiliser.
Le personnel, quant à lui, est automatiquement licencié en cas de liquidation, avec intervention de l’AGS (régime de garantie des salaires).
En redressement, les contrats sont maintenus, mais les dettes sociales doivent être apurées dans le plan.
Enfin, attention aux engagements personnels : de nombreux pharmaciens sont cautions bancaires pour leur entreprise.
En cas d’échec de la procédure, ils peuvent être poursuivis sur leur patrimoine privé.
D’où l’importance de l’accompagnement juridique dès les premiers signes d’alerte.
📘 L’article L.640-1 du Code de commerce encadre les conditions de la liquidation judiciaire pour les professionnels indépendants, dont les pharmaciens.
Les étapes clés du dépôt de bilan pour une pharmacie
Quand la situation devient intenable, il ne faut pas attendre d’être acculé pour agir.
Le dépôt de bilan est une procédure encadrée, urgente, mais aussi protectrice si elle est engagée à temps.
Voici les étapes essentielles à connaître pour un pharmacien confronté à cette décision.
Qui alerter ? Quand déclarer ? À qui transmettre les documents ?
Dès qu’un pharmacien constate qu’il ne peut plus faire face à ses échéances, il doit :
Réaliser un diagnostic précis avec son expert-comptable
Vérifier qu’il est bien en situation de cessation de paiement
Déposer une déclaration officielle au greffe du tribunal de commerce
Ce dépôt doit être effectué dans un délai de 45 jours à compter de la date de cessation de paiement. Au-delà, le pharmacien s’expose à des sanctions pour dépôt tardif.
📘 Vous exercez dans un secteur réglementé ? Les modalités peuvent différer selon que vous soyez en dépôt de bilan dans le transport routier, en dépôt de bilan pour une agence immobilière ou encore en eurl.
Délai, documents, et rôle du tribunal de commerce
Le tribunal de commerce convoque rapidement le pharmacien pour une audience d’ouverture.
Il vérifie si un redressement est possible ou si une liquidation doit être prononcée.
Trois scénarios sont possibles :
Redressement judiciaire avec poursuite d’activité
Liquidation judiciaire immédiate
Sauvegarde (plus rare) : déclenchée avant cessation de paiement
🧠 Un pharmacien bien préparé, accompagné d’un avocat et d’un expert-comptable, maximise ses chances d’opter pour un redressement plutôt qu’une liquidation brutale.
Alternatives au dépôt de bilan : peut-on sauver son officine ?
Le dépôt de bilan n’est pas une fatalité.
Avant d’en arriver à cette extrémité, plusieurs procédures préventives permettent aux pharmaciens d’anticiper la crise.
🔍 Vous êtes confronté à une situation similaire dans la restauration, l’immobilier ou même en micro entreprise ? Les leviers juridiques sont comparables.
Plan de continuation, mandat ad hoc, sauvegarde : quelles options réalistes ?
Avant la cessation de paiement, le pharmacien peut activer des leviers juridiques puissants comme le mandat ad hoc, la conciliation ou la sauvegarde.
Enfin, si le dépôt de bilan est déjà enclenché, un plan de continuation peut être proposé dans le cadre du redressement judiciaire.
Témoignage : comment un pharmacien a pu éviter la fermeture grâce à un avocat spécialisé
Élodie, pharmacienne dans le sud-ouest, voyait ses charges exploser après l’agrandissement de son officine.
Incapable de rembourser ses mensualités bancaires, elle a failli déposer le bilan.
Sur les conseils de son expert-comptable, elle a contacté un avocat en procédures collectives.
En deux semaines, une conciliation a été mise en place avec ses créanciers.
Elle a pu geler ses échéances pendant 6 mois, réorganiser son stock et même obtenir un moratoire URSSAF.
Son activité a repris progressivement.
Trois ans plus tard, elle a embauché un préparateur et renégocié son emprunt à un taux plus bas.
S’entourer des bons experts pour ne pas affronter seul la tempête
Face à la complexité des procédures collectives, le pharmacien ne peut pas tout porter seul.
C’est pourquoi s’entourer d’un avocat spécialisé et d’un expert-comptable n’est pas une option : c’est une condition de survie.
📘 Même dans un secteur très spécifique comme une boulangerie, un restaurant ou un constructeur de maison, la logique reste la même : réagir vite, bien accompagné.

Conclusion
Le dépôt de bilan n’est pas un échec, mais souvent le dernier levier pour reprendre la main sur une situation qui vous échappe.
Comprendre les signes d’alerte, connaître les étapes juridiques, et explorer les alternatives possibles permet d’éviter les décisions précipitées.
Et surtout, cela ouvre la porte à des solutions concrètes.
Si vous êtes pharmacien et que vous sentez la pression financière monter, ne restez pas seul.
S’entourer d’un avocat et d’un expert-comptable spécialisés dans les officines est la clé pour sauver ce qui peut l’être – votre activité, vos collaborateurs, votre réputation.