Pourquoi la question des dettes personnelles inquiète autant ?
Lorsqu’une entreprise entre en liquidation judiciaire, la première pensée du dirigeant va souvent à ses collaborateurs, ses clients ou ses fournisseurs.
Mais très vite, une autre angoisse surgit : “Est-ce que je vais devoir payer les dettes avec mon propre argent ?”
Pour mieux comprendre les fondements, consultez notre article complet sur la liquidation judiciaire qui détaille les mécanismes, les acteurs impliqués et les conséquences pour l’entreprise et son dirigeant.

Ce que beaucoup de dirigeants ignorent
Nombreux sont ceux qui croient que la liquidation judiciaire efface automatiquement tous les problèmes, y compris personnels.
Or, ce n’est pas toujours le cas. Selon la structure juridique de votre entreprise, vos engagements et vos actes passés, votre patrimoine personnel peut être directement exposé.
Ignorer cette réalité, c’est prendre le risque de tout perdre au-delà de son entreprise.
Ce que dit la loi selon le statut juridique
La forme juridique de votre entreprise joue un rôle déterminant :
En société (SARL, SAS, etc.), la responsabilité est en principe limitée aux apports. Cela signifie que vos biens personnels ne sont pas concernés... sauf exceptions.
En entreprise individuelle, la séparation entre patrimoine professionnel et personnel est récente (depuis la loi du 14 février 2022). Avant cela, tout le patrimoine était engagé.
Et dans certains cas (faute de gestion, confusion des patrimoines, cautions personnelles), même une société peut mener à la perte de biens privés.
📘 L’article L.526-22 du Code de commerce pose aujourd’hui une séparation automatique des patrimoines pour les entrepreneurs individuels… mais cela ne vous protège pas des engagements antérieurs.
Pour aller plus loin sur les fondements de cette notion, découvrez la définition de la liquidation judiciaire et son cadre juridique.
Dans quels cas les dettes personnelles peuvent-elles être engagées ?
Le mythe selon lequel “liquidation judiciaire = protection automatique” est dangereux.
Plusieurs situations peuvent exposer vos biens personnels, même si vous pensiez être couvert par une structure juridique solide.
Si l’entreprise est une société (SARL, SAS, etc.)
En théorie, les sociétés comme les SARL, SAS ou SA protègent le patrimoine personnel de leurs dirigeants.
Mais dans les faits :
Si le dirigeant a commis une faute de gestion, il peut être poursuivi à titre personnel,
Le tribunal peut engager sa responsabilité pour insuffisance d’actif (article L.651-2 du Code de commerce),
En cas de mélange des comptes personnels et professionnels, le juge peut considérer qu’il y a confusion des patrimoines.
Ces mécanismes sont détaillés dans notre article sur la procédure de liquidation judiciaire et son déroulement, essentiel pour éviter les erreurs.
Si vous êtes entrepreneur individuel
Avant la réforme de 2022, l’entrepreneur individuel engageait l’ensemble de ses biens personnels. Depuis la loi du 14 février 2022, une séparation automatique des patrimoines a été introduite.
Cela signifie que les dettes professionnelles ne peuvent plus être recouvrées sur les biens personnels, sauf si l'entrepreneur en décide autrement.
Mais attention :
Cette règle ne s’applique qu’aux dettes postérieures à la loi,
Certains créanciers exigent encore une renonciation à la séparation en échange d’un financement.
Si vous avez signé une caution personnelle
C’est le cas le plus fréquent de mise en jeu des biens personnels. Si vous avez cautionné un prêt bancaire ou un crédit fournisseur, alors même si l’entreprise est liquidée, la banque peut se retourner contre vous personnellement.
La signature d’une caution personnelle n’est jamais anodine : elle vous engage comme si la dette était la vôtre.
Comment protéger ses biens personnels en cas de liquidation ?
Il est possible de limiter les risques, même dans les situations les plus tendues. À condition d’anticiper et de bien comprendre les mécanismes juridiques en jeu.
Voici les leviers à connaître.
Comprendre la séparation des patrimoines
Depuis 2022, tout entrepreneur individuel bénéficie automatiquement d’une séparation entre son patrimoine professionnel et personnel.
Cette disposition est cruciale, car elle protège :
la résidence principale,
les comptes bancaires personnels,
et les biens personnels non utilisés à titre pro.
Mais pour en bénéficier, aucun acte ne doit avoir été signé en renonçant à cette protection. Il est donc essentiel de vérifier tous les engagements souscrits depuis cette date.
📘 L’article L.526-22 du Code de commerce prévoit cette séparation par défaut, sauf renonciation explicite.
Pour mieux comprendre la temporalité de ces protections, consultez notre article sur la durée d’une liquidation judiciaire, qui permet d’anticiper les conséquences sur le temps long.
Vérifier ses engagements bancaires et personnels
Avant toute difficulté, il est indispensable de relire ses contrats de prêt, ses baux, et toutes les conventions signées en tant que gérant ou entrepreneur.
Recherchez les mentions de :
cautions personnelles,
garanties solidaires,
engagements conjoints.
Si vous avez signé ce type d’engagement, vos biens peuvent être saisis même après la liquidation de la société.
Un audit de vos contrats avec un avocat peut révéler des clauses engageantes que vous pensiez anodines.
Le rôle du notaire et des biens communs
Si vous êtes marié(e) sous un régime de communauté, certains biens communs peuvent être exposés aux poursuites.
C’est particulièrement vrai si la caution personnelle n’a pas été limitée ou si votre conjoint n’a pas été informé.
Un notaire peut vous aider à établir une déclaration d’insaisissabilité ou à changer de régime matrimonial pour protéger votre famille.

Existe-t-il des recours pour effacer ses dettes personnelles ?
Même quand les dettes personnelles semblent insurmontables, il existe des mécanismes légaux pour tenter de les effacer, en totalité ou en partie.
Mais attention : toutes les dettes ne sont pas concernées.
La procédure de surendettement (particulier)
Si vous êtes en incapacité manifeste de rembourser vos dettes personnelles, vous pouvez saisir la commission de surendettement auprès de la Banque de France.
Cela concerne :
les anciens entrepreneurs après clôture de la liquidation,
les personnes physiques ayant des dettes non professionnelles (ou un mixte).
Cette procédure peut mener à :
un plan d’apurement,
un effacement partiel,
ou un rétablissement personnel.
C’est une option précieuse pour les dirigeants ayant cautionné des prêts et se retrouvant seuls face aux créanciers.
Le rétablissement personnel avec ou sans liquidation judiciaire
Le rétablissement personnel permet l’effacement des dettes quand aucune solution de remboursement n’est envisageable.
Deux cas sont possibles :
sans liquidation judiciaire : si vous n’avez aucun bien valorisable,
avec liquidation judiciaire : si vous possédez quelques actifs.
C’est l’ultime recours, mais il permet à certains dirigeants de repartir à zéro juridiquement, sans être accablés à vie par les dettes.
📘 Cette procédure est régie par les articles L.741-1 à L.742-22 du Code de la consommation.
Les dettes qui ne peuvent jamais être effacées
Certaines dettes dites "non effaçables" demeurent, même après une liquidation ou un rétablissement personnel :
pensions alimentaires,
amendes pénales,
dommages et intérêts liés à des infractions pénales.
Ces dettes sont considérées comme ayant un caractère personnel ou moral, ce qui les rend inextinguibles.
Exemples réels : quand un dirigeant engage ses biens sans le savoir
Les textes de loi sont clairs, mais la réalité l’est souvent moins.
Voici deux exemples concrets, inspirés de situations réelles, qui montrent à quel point un détail négligé peut exposer un dirigeant à des dettes personnelles après liquidation judiciaire.
Patrick, restaurateur sous LBO et caution bancaire
Patrick dirigeait un réseau de restaurants financé par un montage en LBO. En difficulté après la crise sanitaire, il est contraint de demander la liquidation judiciaire.
Convaincu que ses biens personnels étaient protégés par la structure en SAS, il découvre avec stupeur que :
il a signé une caution personnelle pour couvrir une partie du financement bancaire,
et que les dettes sociales n’étaient pas intégralement réglées.
Malgré la clôture de la procédure, la banque l’attaque personnellement. Résultat : sa résidence secondaire est saisie, et ses comptes personnels bloqués.
Une simple signature de caution, faite “en confiance”, a suffi à l’engager lourdement.
Claire, entrepreneure individuelle avant la réforme de 2022
Claire gérait une activité de design textile en entreprise individuelle. En 2020, elle subit une baisse brutale de commandes et dépose le bilan.
À l’époque, la loi ne distinguait pas encore le patrimoine pro du perso.
Résultat :
ses comptes personnels sont saisis,
elle doit rembourser une dette fournisseur de 38 000 € sur ses fonds propres,
elle engage alors une procédure de surendettement.
Ce n’est qu’en 2023, après un rétablissement personnel, qu’elle parvient enfin à se libérer. La réforme de 2022 aurait pu la protéger, mais elle est arrivée trop tard pour elle.
Conseils pour limiter les risques avant que la situation ne dérape
Quand une entreprise traverse une crise, chaque jour compte. Et plus vous anticipez, plus vous avez de chances d’éviter que votre patrimoine personnel ne soit compromis.
Voici ce qu’un dirigeant peut faire dès maintenant.
Ce qu’il faut vérifier dans ses statuts et contrats
Prenez le temps — ou faites-vous accompagner — pour relire vos statuts de société, vos contrats bancaires, vos baux et vos garanties personnelles.
Posez-vous systématiquement les bonnes questions :
Avez-vous signé une caution personnelle ou une garantie solidaire ?
Les statuts limitent-ils clairement votre responsabilité ?
Y a-t-il eu des transferts entre compte pro et perso sans justificatif ?
Une simple relecture peut vous alerter sur un point de vulnérabilité souvent oublié.
Quand consulter un avocat spécialisé
Trop de dirigeants attendent l’assignation au tribunal pour contacter un avocat.
Pourtant, une consultation en amont permet :
d’évaluer vos risques réels,
de réorganiser vos engagements,
et parfois d’éviter la mise en cause personnelle.
Legal Rescue peut vous mettre en relation avec un avocat disponible sous 24h pour sécuriser vos décisions et vos documents.
Il ne s’agit pas de fuir vos responsabilités, mais de vous protéger juridiquement.
Ne jamais attendre l’assignation en justice
Attendre une convocation ou une saisie pour réagir, c’est souvent déjà trop tard.
Dès que vous constatez des tensions de trésorerie ou une impossibilité de régler vos dettes, commencez à sécuriser ce qui peut l’être :
état des lieux de vos engagements,
déclaration de cessation de paiements si nécessaire,
arrêt des paiements non urgents.
L’anticipation est votre meilleure alliée pour ne pas tout perdre.

Conclusion
La liquidation judiciaire n’éteint pas toujours les dettes personnelles du dirigeant. Tout dépend du statut juridique, des engagements signés, et de l’attitude adoptée en amont.
Caution personnelle, entreprise individuelle, confusion des patrimoines… autant de situations où vos biens privés peuvent être exposés.
En agissant tôt, en vérifiant vos contrats et en consultant un avocat, vous pouvez éviter les erreurs irréversibles.
Comprendre la relation entre liquidation judiciaire et dettes personnelles est un levier de protection, pas seulement une information juridique.
📘 Chez Legal Rescue, nous savons qu’un chef d’entreprise en difficulté a besoin de clarté, de rapidité et d’un avocat en qui il peut avoir confiance. Contactez nos avocats partenaires pour faire le point sur vos risques et protéger ce qui compte vraiment.